Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/154

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Elle se pencha davantage, les lèvres offertes, très troublée, comme subitement fondue en une tendresse louche qui pouvait bien n’être, chez elle, que de la bonne éducation.

À ce moment, il se fit un léger remue-ménage dans la loge voisine.

La princesse byzantine ôta son masque, d’un souple mouvement de joie, et, regardant Marguerite Florane, les yeux rivés à ses yeux, les lèvres à un millimètre de ses lèvres :

— Tu seras donc toujours aussi godiche, ma chère enfant, s’exclama Paul riant de son rire de gamin féroce. Quand on pense qu’à la même musique j’ai repincé le même serpent ! Tu as beau t’en défendre, va, tu aimes la petite sérénade sentimentale comme toutes les filles… d’Ève ! Ah ! tu veux embrasser l’impératrice ? Eh bien, moi, l’empereur, tu sais, j’y tiens pas !

Paul se dressa, déployant le superbe luxe de sa robe d’or et toute la luxure de son beau regard cruel.

Marguerite s’était saisi le front. Elle demeura un moment muette. Est-ce qu’elle touchait à la folie ? Des médecins lui avaient souvent affirmé qu’elle finirait dans un cabanon de la Salpêtrière. Mais non, c’était lui, Paul de Fertzen, celui-là qui l’avait eue tout entière ! Elle releva la tête, éperdument cria :

— Tu ne vas pas me quitter comme ça, Paul, c’est trop lâche, entends-tu ! Je te défends de sortir. On ne se moque pas de moi deux fois ! Puisque tu es revenu, c’est que tu m’aimes ! Je te tiens, je te garde ! Mon Paul ! Mon petit homme chéri.