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Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/163

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rantir des options prévues ou des gloires égoïstes, il faut que j’entre aussi dans les ordres ? Ça t’amuserait, n’est-ce pas, l’ogre sentimental, de me dévorer vivant ? J’ai deviné, c’est bien cela ? Et tu n’as pas honte d’employer la langue du Cantique des Cantiques pour me parler de crucifier ma jeunesse, d’achever de tuer mon pauvre cœur ! Flattant mes vices, jusqu’à ma prétendue beauté impériale, tu espères, m’endormir… et que je ne me réveille plus !… Mais, Reutler, tu es un monstre plus abominable que moi. Tu es mille fois plus redoutable… Tu ne sais pas, tu ne t’imagines pas ce que je pouvais penser en t’écoutant tout à l’heure me parler, toi, la sagesse, comme Salomon parlait à ses femmes… à travers Dieu ! Et il choisit l’Opéra pour théâtre de ce discours ! Le fourbe ! Non ! Entends-tu bien, non, je ne veux pas ! Et je te défends de vouloir. Nous resterons deux hommes libres ! (Paul crispa ses doigts gantés, le long desquels des bagues fabuleuses, bossuant la peau du gant, formaient des armes pénétrantes, et, de nouveau, il lui meurtrit le bras en lui jetant ce mot comme une mortelle injure :) Mystique ! mystique ! épouvantable mystique !

Reutler éclata d’un rire très franc, un rire sonore, un rire de jeunesse qui fuse quand même, bouillante et démoniaque, par toutes les plaies d’une chair qu’on vient de blesser douloureusement.

— Bravo ! fit-il, tu as deviné, je te remercie ! C’est, en effet, cette idée de prêtrise qui me torture de temps en temps… un peu comme mes migraines !

— Reutler, tu me méprises ?