Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/178

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Madame de Crossac ne s’évanouit pas. Elle avait reconnu le rire de Paul, un rire inoubliable. Sous la robe de l’ange, elle voyait le démon, et, soit sincère bravoure, soit parce qu’un danger plus grave qu’un esclandre la menaçait, elle ne poussa pas le cri de la pudeur bourgeoise. Il y a des moments où n’importe qui devient une grande dame.

— Stani, dit-elle simplement à voix très basse, cette femme nous a espionné, c’est votre maîtresse.

Ce coup droit fut si habile que le diplomate se leva, suggestionné, un peu effrayé à son tour. Mentalement il passa une revue de ses dernières frasques, se souvint, au hasard, d’une écuyère… mais non, elle était brune…

— Allons donc, ma chère amie, je n’ai pas de maîtresse, vous le savez bien, et puis jamais de pareilles folles, ce serait grotesque, répondit-il remuant à peine les lèvres.

— Comtesse, fit Paul très aimable, vous m’excusez ! J’avais une irrésistible envie de vous demander des nouvelles de votre mari. Imaginez-vous que, de loin, j’ai pris Monsieur pour le comte ! Présentez-nous donc !

Puisque le sinistre garçon ne se démasquait pas tout de suite, il y avait encore un espoir : il ferait peut-être durer le plaisir.

— Madame, riposta la comtesse dédaigneuse, je n’ai jamais eu l’honneur de vous voir, j’en suis sûre. Vous vous croyez toujours au… cabaret, sans doute ! La personne qui vous connaît ici, est très probablement Monsieur, ce que je regrette. Inutile de vous le présenter. (Elle se tourna vers le prince.) En vérité, fulmina-t-elle, vous