Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

parie ton diplomate contre ton mari que tu me rates. Allons-y ! et tâche de ne pas me défigurer, de bien atteindre mon cœur si tu es capable de m’en dénicher un !

Le bras de Madame de Crossac retomba, frissonnant.

Tu réfléchis ? Bien gentille ! D’ailleurs, faut laisser faire l’ouvrage au matou… s’il ose ! Mais pourra pas ! Demain, quand va se mesurer avec un petit Monsieur très correct, aura peur ! La chevalière d’Eon ! Si c’était pas l’hiver, je me battrais tout nu !

Rien ne bougeait sous le domino bleu, qui semblait vêtir une morte. On n’entendait ni souffle, ni sanglot, et toujours le bras blanc reflétait la douce lueur des lampes.

— Ton bras ? J’ai horreur de ton bras ! Si je te le coupais ? (Il éclata d’un rire affreux.) Il a l’air d’une petite femme jeune ! Il est tout séparé de toi, déjà, et très en beauté, ce soir ! Fais m’en cadeau, dis ? Non ! non ! il est abominable ! Il a l’air d’un serpent blanc… J’en ai peur ! Ôte-le !…

Suffoquant, tout à fait fou, Paul se jeta aux pieds de Geneviève, se traîna, délirant :

— Maman ! Petite mère ! je suis un lâche ! je suis une brute, je suis gris. Maman, sauve-moi. Ton bras… il veut me tuer, il a tué… il m’a désigné Reutler pour que je le tue… donne-moi ton bras… je t’aime toujours ! Il me le faut, petite mère !

Paul saisit le poignet de Geneviève, le tordit, puis, comme elle allait enfin crier, il lui ferma la bouche… et la comtesse Geneviève de Crossac,