Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il m’a dit… Alors, je suis allée trouver des paysans dans le bois…

Elle s’arrêta.

Reutler, debout écoutait, très hautain et très calme ; cependant ses lèvres tremblaient. Quelle misère ! Elle ne mentait pas encore, elle ne mentirait qu’à la fin. Il attendait l’histoire du vol, l’explosion de la duplicité ou de la honte. Ce n’était qu’une pauvre fille, elle avait dû s’offrir tout simplement pour quelques sous aux passants de la forêt, ou mieux, dérober le petit trésor d’un vagabond comme elle.

— Alors, questionna-t-il, posant sa main pesante sur son épaule, pourquoi cette terreur du gendarme ?

— Je ne veux pas rentrer à l’hospice. J’aime mieux qu’on me tue.

— Pourquoi vous tuerait-on ? Qu’avez-vous fait à ces paysans, dans le bois ? Vous les avez volés ? Je ne vous enverrai pas en prison et je ne vous ramènerai pas à l’hospice. Vous êtes libre, mais ne me mentez pas, c’est inutile. Chez moi je veux qu’on soit libre !…

Un instant, le très grand seigneur qu’était Reutler tint cette pauvre petite servante dans la lumière de son regard froid, et il s’aperçut qu’elle ne baissait pas les yeux. Il s’en étonna, ne put s’empêcher de lui sourire.

— Je suis curieux de savoir ce que vous leur avez fait, je vous défends le mensonge, entendez-vous, petite Marie ?

Elle murmura :

— Non ! non ! je ne veux pas vous mentir. Je