Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/263

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dureté du bois sans feuillage, d’une anormale plante à la fois trop légère et trop robuste.

Paul-Éric dormait ses fenêtres grandes ouvertes. Le ciel pénétrait comme un flot d’eau pure. De ses croisées on ne voyait que le ciel, car le château de Rocheuse dominait les dernières cimes des arbres et la vallée se déroulait, déserte, à cent pieds au-dessous du dormeur. Il dormait dans un lit de laque brune orné de petites figurines chinoises dont quelques-unes avaient les poses les plus naïves, un lit s’arrondissant en barque et flottant sous une toile de brocart d’argent frangé de plumes roses. Les draps de surah blanc, tout unis, parce que le surah uni c’était plus mâle, avait inventé le jeune précieux, semblaient nacrer sa peau de reflets doux, et son bras nu prenait, à la saignée, des tons de fleurs. Il dormait de toute son âme depuis longtemps, depuis toujours peut-être ! Cet incendie, cette fille portée par son frère, autant en avait balayé la brise qui caressait les terrasses de marbre, là-bas, sur les pelouses et, ici, son bras nu. Cauchemar que ces choses incertaines.

Vers midi, le jeune homme se retourna du côté du ciel. Toujours dormant, il se mordit les lèvres pour ne pas rire, ses rêves l’amusant beaucoup plus que la réalité, et il ne daigna nullement répondre aux respectueuses questions de Jorgon.

Vers quatre heures, Reutler entra, soucieux.

Sa grande silhouette barra d’une ombre épaisse ce ruissellement de luxe clair et fou. Dans son sommeil d’enfant exténué par tous les jeux, Paul-Éric frissonna, ses paupières battirent comme les deux ailes d’un oiseau qui agonise et sa bouche