Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/278

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lon métallique. Reutler épurait de l’or, parce que son frère lui avait demandé deux bracelets d’or vierge, pour les offrir à une statue d’Adonis qu’il aimait beaucoup. Reutler fondait lui-même ces bracelets. Il savait très bien qu’aucune statue d’Adonis n’existait à Rocheuse, mais il ne voulait pas que la folie du jeune frère s’égarât chez un orfèvre provincial et, sous le prétexte de l’honneur, il mettait toute sa coquetterie de savant à rendre les deux bijoux dignes de la statue.

Marie nettoya le fourneau, enleva des cendres, et activa la flamme de son souffle respectueux, ensuite elle le regarda.

S’il se retournait, elle parlerait, sinon, elle s’en irait sur les pointes, car, elle était déjà consolée de l’affaire du peigne.

Reutler fit claquer ses doigts, se tourna. Il sentait quelqu’un derrière lui, un animal, peut-être, son chien, le grand Sloughi, son préféré qui venait de temps en temps le visiter et rampait, pour lui lécher les mains.

— Petite ! Que faites-vous ici ? dit Reutler ébloui par cette face rouge, d’où ressortaient, à la lueur du feu, des yeux étrangement doux.

Elle s’avança, très humble.

— J’ai porté le charbon, Monsieur, avoua-t-elle désignant son petit panier.

Reutler eut un sourire contraint.

— Drôle de vestale ! pensa-t-il.

— Vous êtes sûre que j’avais besoin de vous pour cela, reprit-il d’un ton sourd, et n’est-ce pas vous, au contraire, qui avez quelque chose à me demander ?