Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/28

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trous sombres, soupiraux de cave ouverts sur des paysages historiques datant de 1789, dans lesquels tous les arbres se donnaient l’allure de peupliers de la liberté. Une splendide cheminée, formant l’accoudoir naturel des diseurs de poèmes, vous réfrigérait la vue, dès le seuil, par la masse imposante de son marbre blanc et son petit feu de bûches symétriques. Sur ses consoles, pesait un lourd Vercingétorix de bronze, à qui le sculpteur, un naïf travaillant pour antichambres ministérielles, avait infligé le sourire bête d’un récent agitateur du peuple. Les meubles, rares, exhibaient d’antiques modes romaines. Lits-canapés pompeïens, x de centurions, chaises curules, banquettes de casernes agrémentées de housses à crépines, se groupaient au hasard comme tout étonnés de se rencontrer là. Face au petit feu de bûches symétriques, dans une ancienne alcôve montrant encore, sous ses successives couches de stuc et de dorures, les gonds ouvragés de ses portes absentes, la maîtresse du lieu avait organisé un théâtre, beaucoup trop exigu, sur lequel cette charmante femme aimait à jouer des rôles sentimentaux. Dans la même alcôve, durant l’ère du premier Napoléon, une autre comtesse de Crossac était morte d’une mort violente, racontait la légende, en jouant un rôle bien moins innocent que les drames de Geneviève, et il était piquant d’entendre la troisième Crossac prédire, à cet endroit fatal, les malheurs des femmes incomprises.

Le mari de ce bas-bleu politique, personnage coté dans les sciences, fauteur d’un traité remarquable sur les atomes, expliquait, en ses jours de