Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/286

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ta place je voudrais vivre nue entourée de ce manteau. Il me faudrait des ciseaux énormes pour les abattre d’un seul coup et je n’ai que mes petits ciseaux à ongles ! Ça va durer longtemps, c’est ennuyeux…

Il coupa une longue mèche. Les petits ciseaux d’or firent, dans cette soie, un petit bruit de dents grinçantes.

Elle poussa une exclamation d’horreur, retomba à genoux, les mains jointes.

— Monsieur ! Oh ! Monsieur Paul !…

Et la pauvre folle qui n’avait pas pleuré en avouant son crime se mit à sangloter.

— Pleure, chérie, pleure ! Va, cela fait tant de bien… et encore toi, tu as la chance de pleurer sur le possible. Songe donc à ceux qui râlent et se tordent dans les bras de l’impossible… Va, petite, je te permets les larmes… Est-ce que je te demande des choses inconvenantes, des histoires malpropres, des complaisances ignobles ? Non, je ne te demande pas même ton sourire, Mica ! Ils sont un peu crépus, ce semble et ils friseront, ils te feront un joli petit bonnet d’astrakan ; dans trois ans, ils auront repoussé plus longs, tu me béniras. Allons ! Ça y est, tu es libre.

Il lança la gerbe noire sur le sofa de satin jaune où elle étala un voile de deuil.

— Maintenant encore deux mots : ce sont les domestiques, tiens, mon estimable groom, qui ont fait cette blague ! Tu avais des poux, n’est-ce pas ? On t’a tondue pour t’en débarrasser. Si tu dis le contraire, je force mon frère à te reflanquer dans les buissons. Il n’y a pas d’autre maître ici