Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/292

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mensonge et comme je devine la nature plus vraie de toute la fausseté de mon bonheur présent !…

— Coco ! déclara Paul de sa voix chantante. Coco, tu es méchant ! Tu me mords comme un chien ! Voyons, Coco ! Fais donc la roue !

À distance, il lui offrit un morceau de biscuit que l’oiseau goba goulûment dans un furieux coup de bec.

— Éric, dit doucement l’aîné, il finira par te crever les yeux, ne l’irrite donc pas ainsi !

— Tu entends, Coco, poursuivit Paul en protégeant son visage de son coude, notre estimable frère prétend que tu as envie de le priver de son plus cher trésor. Prince Mes-Yeux, ménagez-moi. Je ne suis ici qu’un platonique bouffon de cour, et si je perds mes grelots, je ne sers plus à rien. Je vous défends de nous aveugler, nous sommes déjà passablement louches… Si cela devenait de la nuit… sacrebleu ! il faudrait marcher à tâtons, et de cette manière, j’ai entendu dire, quand j’étais petit, qu’on allait toujours trop loin… Fais la roue tout de suite ou je te tue !…

Reutler l’écouta, fronçant peu à peu le sourcil.

— Envoie-moi cet oiseau-là au diable ! fit-il impatienté et redoutant une scène dont l’animal pourrait être la victime, car, décidément, le temps sentait l’orage.

— J’ai une idée, mon grand ! Cet oiseau-là est une bête et je vais te le prouver. Attends une seconde…

Il partit en courant, se jeta dans le salon, revint tenant un immense éventail de satin vert et se planta devant l’oiseau, l’éventail levé.