Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/393

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ment tu vas m’empêcher de brûler… Ton revolver !

— Non, je ne l’ai plus ! et tu m’as fait sacrifier, tout à l’heure, mon meilleur poison, un breuvage très doux qui t’aurait donné des rêves.

— De mieux en mieux ! Mon grand, je vois trouble… ce tapage m’étourdit. Écoute !… Écoute donc !

Le ronflement s’accentuait. On entendait s’effondrer les galeries ; les panneaux de vieux chêne éclataient, crépitaient furieusement. Une légère buée se répandait dans la chambre, le parfum de l’idole s’exaspérait en une odeur sulfureuse et, des rainures de la trappe, filtraient de petits jets de fumée rose.

— J’ai confiance en Jorgon, bégaya naïvement le cadet.

— Jorgon est mort… du moins je l’espère pour lui, répondit l’aîné, berçant le jeune homme sur sa poitrine. Chéri, ce n’est pas très douloureux les brûlures… promène tes ongles derrière mon épaule, je ne sentirai rien… il suffit de songer à autre chose, mon amour.

Reutler ne cessait pas de sourire, sincèrement heureux.

— Ah ! ça, tu as l’air de t’amuser beaucoup ! hurla Paul-Éric, se levant affolé. Tu sais, tâche de m’amuser aussi ou j’appelle au secours ! Ah ! j’ai chaud… j’étouffe… je vais avoir peur !… Fais-moi perdre la raison… J’ai peur d’avoir peur, entends-tu ?

D’un geste violent, le jeune homme arracha la soierie qui lui couvrait le buste ; dans la blancheur de sa peau, deux points de feu, ses seins, rayonnèrent, piquant les yeux du grand hercule.