Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/46

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à un dîner qu’il ne veut en aucune manière orner de sa présence, que voulez-vous que fassent devant vos héroïsmes les pauvres diables de mon espèce ? Vous portez culotte et, dans un temps prochain, j’imagine que vous irez en guerre, tandis que nous resterons tranquillement à fanfrelucher à la maison.

— Vous, surtout, Monsieur Paul-Éric de Fertzen, car vous n’aurez pas le droit de défendre le sol français.

— Plaît-il, chère Madame ? Quel vice rédhibitoire m’empêche, à vos yeux, de servir mon pays ?

Très intrigué, Paul la toisa, la trouvant de plus en plus grotesque. Se préparait-elle simplement à entrer en scène ou allait-elle dire des choses solennelles ?

Madame de Crossac lui jeta ces mots d’une voix dure :

Mais vous êtes Prussien, mon petit ! Est-ce que votre estimable frère aurait oublié de vous en instruire ?…

Paul crispa ses deux mains sur sa poitrine avec un geste fou. Il lui sembla que le fameux revolver chargé venait de l’atteindre en plein cœur. Il pâlit, s’accrocha désespérément aux hampes de la psyché pour ne pas tomber et murmura :

— Enfin ! Cela s’éclaire ! Et votre police est toujours bien informée, chère Madame ? Vous êtes sûre que vos agents ne se sont pas trompés, pour vous faire plaisir ?

Il essayait de railler, n’y arrivait pas et sentait son front se mouiller de sueur.

— Ma police est la meilleure police de France, Monsieur ! Je sais, depuis longtemps, que vous et