Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/50

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— Non, ça ne se voit pas !… Mais, vous plaisantez, Monsieur Paul. Je connais trop ses secrets ; elle se vengera, si je vous suis.

— Je te défendrai. On peut avoir des attaques de nerfs et être brave… tu doutes de moi ?

Saisie d’un vertige délicieux, Jane se jeta dans ses bras.

— Je vous adore ! Et puisque l’occasion se présente de vous le prouver… Seulement, laissez-moi lui reprendre ses lettres.

— Je t’interdis ce genre de littérature… point fait pour les jeunes filles. Allons-nous-en comme de bons petits enfants sages. (Paul s’inclina.) Mademoiselle voudra-t-elle bien accepter ma voiture et me recevoir, là-bas, chez elle, passé minuit ?

— Ah ! Je crois que je deviens folle ! Je descendrai par l’escalier de service. Je n’emporterai rien, pas même les robes qu’elle m’a données, je ne veux rien garder d’elle. Au revoir, prince Chérubin !… nous sommes fous !

— Au revoir, Janette.

Paul, en sortant de la chambre à coucher, rencontra son frère, debout, pensif sous l’un des globes-veilleuses du corridor. Sa haute taille semblait toujours plus haute, et ses yeux profonds encore plus sombres.

— J’avais justement besoin de te parler, Monsieur mon aîné, gronda le jeune homme. Je suis obligé de te déclarer que je sais tout, comme au dernier acte. Aussi bien, nous sommes ici dans des coulisses !…

Le regard trouble et lourd de Reutler se concentra sur le revers de l’habit de son cadet.