Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/53

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tes en emportant une très jeune femme vêtue de noir.

— Tu me reconduis, n’est-ce pas ? fit Paul impérieusement.

— Volontiers, répondit Reutler, et, j’espère que tu ne remettras plus les pieds dans la maison où tu viens d’entasser toutes ces sottises ? Mes félicitations ! Tu es gentil quand tu romps avec une femme, toi ! Si c’est là ta manière de t’exiler de la vie mondaine…

Philosophiquement, l’aîné alluma un cigare. Il ajouta :

— Nous marchons, n’est-ce pas ? Cela te fera du bien.

Sa voix demeurait calme, il ne reprochait rien, il constatait.

— Non ! Je ne reverrai pas ces gens ridicules ! Je suis outré ! cria Paul ivre de colère. Cette Geneviève est difforme ! C’est une créature abjecte. Elle saura ce que cela coûte d’humilier un garçon de ma trempe !

En ayant l’air de l’envelopper de sa pelisse pour le protéger contre le froid, Reutler lui passa le bras autour de la taille et l’entraîna doucement dans les rues désertes. Il s’attendait à l’explosion, la croyait salutaire.

— Mon cher enfant, dit-il, lorsque le jeune homme se fut un peu détendu les muscles par la marche, il est convenu que nous ne reparlerons des choses graves que demain… Tiens, si tu veux, après ta leçon d’escrime, car il ne faut pas négliger ce sport, mon petit, quand on froisse de trop près les belles haineuses. Mais pour l’instant, laisse-moi