Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/63

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tant du séminaire, je me suis vu aux prises avec la vie qui me mettait dans les bras un enfant capricieux, traître comme une petite fille, un être inconscient… Alors, j’ai désiré l’élever pour en faire un homme, non selon mes lois ou celles des autres, mais selon les lois de la propre nature de cet homme, pour en faire un poète. J’ai rêvé, en son nom, des choses grandes, et, du titras de cette cervelle, minuscule résumé d’une période de fermentation, que les sots appellent période de décadences, j’ai rêvé de voir surgir les miraculeuses fleurs du Verbe. Les uns sont au monde pour donner des fruits, les autres pour secouer de ces petites choses éblouissantes et éphémères dont l’odeur est souvent un poison. Cependant, certains cerveaux, plus brumeux, ont besoin de ces poisons pour supporter une vie monotone. Tu aurais été leur médecin… ou leur bourreau, comme il te plaira. Donc, je n’ai pas opté. Il paraît que je reste Allemand. Je continue à te nommer Éric quand les voisins te nomment Paul. C’est grave. En tous les cas, je crois qu’avant deux ans, tu t’apercevras que les fameux vocables berceurs de patrie, de drapeau, de revanche, sont autant de pompons littéraires qu’aiment à employer les plus piètres littérateurs d’aujourd’hui. Moi, je ne fais pas de littérature, et dans les livres de science que je lis, je ne les rencontre jamais. Certes, il faut une force peu commune pour en délivrer son souvenir quand on les a appris par cœur. Ne prétend-on pas qu’à trop balancer leur nourrisson, des nourrices les rendent épileptiques ?… Ce prêtre qui renie son dieu, lorsque ce n’est pas pour le vain plaisir du blas-