Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/91

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— Non, dit Jane hoquetant, c’est cette soie que je veux !

Pour en prendre à son tour possession, elle marcha dessus, d’un mouvement de fureur jalouse.

— Tiens ! Tu n’es qu’une femme ! gronda le jeune homme en lui tournant le dos.

Le coupé s’étant arrêté devant leurs fenêtres, Paul alla s’habiller, et une heure après, ayant abandonné Jane à ses mélancolies, il s’introduisait dans le cabinet de travail de son frère.

Reutler pesait de la glace.

— Tu as besoin de moi ? dit l’aîné dont la voix basse prit une inflexion amère.

— Oui, justement. Pourquoi me reçois-tu sur ce ton ?

— Parce que voici une semaine que tu oublies de me serrer la main.

Paul fit une grimace.

— Je vais t’expliquer : Jane entre au théâtre. Elle a cette idée fixe. C’est idiot, mais j’en suis fort aise, car cela relâchera un peu nos étreintes. Cette petite brune est charmante, seulement, si banale… Tu comprends, une fois lancée, elle finira par s’amuser sans moi… Sacrebleu ! Ce qu’il fait froid, ici… Reutler, je gèle…

L’aîné frappa sur un timbre.

— Ne te sauve pas. On va faire une flambée. J’étais en train d’examiner les différentes puretés de la glace.

— Prodigieusement divertissant ! railla Paul.

— Moins coûteux que de lancer des femmes ! railla Reutler.

— Nous y voilà bien, j’ai besoin d’une somme