Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/111

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— Et tu pleures déjà ! ajouta-t-il.

— Je veux mon billet de banque. Choisis-le tout neuf.

— Qu’en feras-tu ?

— Ça, c’est mon secret !

Ils restèrent une minute silencieux. Elle était froide comme un marbre et elle le repoussait d’un geste si résolu, qu’il se leva, se dirigea du côté de la porte. Avant de sortir, il eut le fiévreux désir de l’embrasser encore.

— Louise ?

Elle était renversée sur les draps, toute tordue par son chagrin. Brusquement, ce monstrueux caprice lui fut expliqué, il se frappa le front :

— Tu veux ces cent francs pour ton père ? s’écria-t-il, et moi qui marchande, Seigneur Dieu ! quand je n’avais qu’à lui répondre : Ton père ne partira pas.

Il l’enleva dans ses bras buvant ses larmes.

— Eh bien ! es-tu contente, à présent, mademoiselle Tranet ? fit-il, lui souriant, ivre d’une joie toute nouvelle.

Elle vint bégayer sur ses lèvres :

— Merci, cher bien-aimé !… J’ai ta promesse, et madame Bartau jeune te sera reconnaissante !… Ne m’appelle plus mademoiselle Tranet… dis !

Ils s’aimèrent cette nuit-là comme ils ne s’étaient jamais aimés. Est-ce qu’ils allaient enfin découvrir la passion farouche dans leurs très douces médiocrités d’amour ? La passion, ce luxe merveilleux des humbles !…

Il est de jolis ruisseaux jaseurs, qui s’en vont à travers une prairie, sans trop servir à rien, mais bien honnêtes au demeurant. De leur