Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/133

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Et, ce matin-là, Louise, après avoir eu des rires en essayant de retenir son mari au lit, sous la spécieuse raison qu’il ne faisait pas encore clair, eut des larmes quand il parvint à s’éloigner. Louis retombait dans la crainte salutaire de maman Bartau. Il lui devait de nouvelles déférences, car elle tolérait le failli sans trop de colères, et il flattait ses manies qui étaient le bois dur et les douves de chêne. Louis apaisait sa conscience inquiète de jeune commerçant ami du calme : il faut préserver ses sens de tous les troubles possibles, lorsqu’on veut diriger son magasin par soi-même. Le monstre, l’autre, rentrait dans l’ombre peu à peu. Il lui suffisait de dormir sa nuit pleine et de moins s’occuper de Louise pour que ce misérable spectre s’évanouit avec son cortège de fantastiques chimères. La femme n’est point le vrai Dieu de l’homme, c’est le livre de la comptabilité qui mérite toutes ses dévotions. À force de scier du bois vert pour le revendre sec, il se ferait une jolie réputation de notable dans le quartier ; on achèterait, à l’âge mûr, une villa près de la Loire, en rase campagne ; la mère s’éteindrait doucement, le beau-père se rangerait, les garçons et les filles s’établiraient, l’une épouserait un sous-préfet, l’autre guetterait la demoiselle d’un percepteur… il jouirait de la vie des champs entre une robuste femelle épanouie aux honnêtes maternités et des enfants sans imaginations folles, ne rêvant que ce qu’avait rêvé leur modeste père. Des enfants ! La prédiction du docteur Rampon lui revenait alors, une créature qui n’a « ni poumons ni bassin… » oui, pourquoi ce marmot tardait-il si longtemps ? Et cet appétit du plaisir que pro-