Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/135

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n’avait pas révélé la moindre émotion. Et cette atmosphère de province, paisible comme une atmosphère de tombeau, pesait de tout son poids sur la tête fine de la mignonne Parisienne.

— Quel désert ! soupira-t-elle.

— C’est crevant, voilà mon avis ! déclara le père Tranet.

— À part la musique du dimanche et la foire du 14 juillet, on ne rencontre plus de foule.

— La principale rue, les quais sont toujours comme ça ?

— Non, il y a des boutiques et des équipages, mais maman Bartau prétend que ces spectacles corrompent la jeunesse.

— Si nous nous y promenions, hein ? demanda Tranet, désireux de fronder l’autorité, de loin.

— À quoi bon, je ne suis pas curieuse et nous pourrions rencontrer des voisins. On le répéterait.

— Moi, j’ai bien envie de prendre un bock.

— Oh ! papa, cela ne se fait pas… dans le petit commerce… Songe donc.

— Mais quand on a soif ?

— On n’a pas soif dehors.

— Est-ce que tu n’as pas de galette sur toi ?

— Si papa, j’ai deux francs, seulement maman Bartau m’a questionnée avant que je sorte pour savoir ce que j’emportais.

— Quelle harpie, nom d’un rabot ! Moi, je n’ai plus un centime, ce sacré pantalon m’a tout mangé. Ensuite, hier, j’ai dû envoyer au gratte-papier qui s’occupe de ma faillite, une procuration sur du timbré. Les frais de poste et le timbre… quarante sous de fichus !