Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/14

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— Son Altesse le comte de Paris, c’est Monseigneur pour moi et pour ceux qui veulent visiter ses appartements. Monsieur !

— Sans doute ! ajouta Louise se relevant, je l’aime beaucoup, le comte de Paris… et nous verrons tout, n’est-ce pas, Madame ?

Le pacte était conclu entre les deux femmes. Louis se résigna. Du reste, la politique n’est de mise qu’au café. Il dirait Monseigneur si cela faisait plaisir à Louise.

On passa sous une voûte énorme, et brusquement, après toutes ces ombres, ils furent baignés de lumière, entourés de fleurs, avec du ciel et des oiseaux plein le front.

— Le jardin, dit la dame noire du château d’Amboise.

Il y avait là des massifs de pivoines pourpres d’une orgueilleuse beauté, et ce jardin, en terrasse, était tout vallonné comme si le sol se fût jadis plié, sous la traîne de cour d’une reine capricieuse. La chapelle, posée au bord de l’abîme, présentait un aspect de vieux bijou oublié, par hasard, le long de la balustrade. Ses sculptures grises, fines comme des dentelles dont les mouvements fous se seraient immobilisés dans une épaisse poussière, vous faisaient rêver de femmes avant de porter votre idée à Dieu. Oh ! les mignons pages qui avaient dû s’ébattre tout autour, courant avec les lévriers de leurs belles ! Là-bas, le colossal donjon rappelait les pendus des guerres de religion, et les fenêtres à croisillons obscurs, et les entrées trop étroites, bien basses, tellement basses qu’un roi avait failli, dans la nuit de l’histoire, les démolir d’un coup de tête, et les petites tourelles étourdies, ornées des coquet-