Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/214

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cussions interminables de sa belle-mère, elle tombait de sommeil. La veille, elle avait été au théâtre avec Mme Désambres, où elle avait pris, dans la villa de marbre, un thé qui avait duré jusqu’à minuit. La jeune femme pâlissait, le jeune homme maigrissait.

— Voyons ! ajoutait Caroline d’un air presque câlin, est-ce que je vous gronde, monsieur Tranet, quand vous chantez vos petites obscénités ?

Il n’en démordait pas, il lui fallait des garanties. Cinq mille francs, c’est une jolie fortune, n’est-ce pas ?…

Et, un jour de printemps, on ne pouvait s’imaginer comment il avait osé une demande en mariage, histoire de s’offrir des garanties durables ! M. Rampon, qui posait sa candidature, avait été brutalement évincé, car sa clientèle ne représentait, toutes les ordonnances payés, que les malades de la famille, et alors son bout de logement, place de la Poste, son mobilier boiteux et mal tenu, tout cela ne valait certes point cinq mille francs. On lui signifia son congé. Caroline arbora les bonnets de tulle blanc, ornés de rubans verts et bleus pour assortir à sa célèbre robe écossaise, elle eut une capote grenat pour aller sur le cours, et le châle tapis fut coupé pour devenir un solide manteau genre anglais. Après les réflexions d’usage, elle abandonna au père Tranet sa main, qu’il baisa, ma foi, comme un galant doit le faire quand il se sent victorieux. Il avait conquis ses invalides pour l’éternité.

— Ah ! les femmes, répétait-il, se tortillant la barbe, les femmes, les bonnes créatures, tout de même !