Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/218

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s’aimeront à leur manière… on dirait que j’ai glissé sous le toit de votre sainte maison Bartau le brandon des fièvres amoureuses.

— N’es-tu pas, ma louve, le monstre qui sait toutes les voluptés, celles du paradis, comme celles de l’enfer ?… Tu as fait de moi un homme libertin. Tu peux bien faire deux amoureux de deux vieillards… je t’attends là !

— Pour me remercier ?

— Non, pour me venger… en te caressant davantage !

— Alors, Louis, divorce et nous nous sauverons à Paris… c’est facile !…

Elle fixait sur lui ses yeux mystérieusement veloutés. Était-ce bien pour ce but qu’elle le pressait depuis un mois de quitter Louise ? Il avait eu déjà l’inquiétude d’une trahison, cette femme devait avoir plusieurs passions, car elle possédait le tempérament d’une vraie Parisienne et d’une Parisienne pervertie, encore. Elle avait peut-être un autre amour, un second amant qu’il ne connaissait point, car elle multipliait les voiles autour de son existence. Jacques, son domestique, demeurait impénétrable au sujet de sa vie antérieure et de ses voyages extraordinaires. De même qu’à de certaines heures il ne pouvait pas visiter son cabinet de toilette, de même elle lui défendait de décacheter ses correspondances. Tout était énigme chez elle et en elle. Louis ne se sentait son unique possesseur que lorsqu’il arrivait à croiser sur elle ses deux bras bien vigoureusement serrés. Il riait, jouant avec un petit poignard à lame fine qui lui servait de coupe-papier quand il lisait, assis près d’elle, les œuvres étonnantes des auteurs légers du dix-huitième