Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/23

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Non, les voyages de noces ne lui réussissaient guère ! Tout quitter, les affaires, la maman, son café, pour venir causer avec une espèce de singe, laid à faire trembler, qu’elle devait trouver beau !… un monsieur de Paris, un artiste ! En vérité, la maison Tranet (meubles de salle à manger et chaises de paille) élevait bien ses filles !… Surtout quand il n’y en avait qu’une, de fille !… Et il flairait un orage, il se sentait mal aux nerfs.

Louise monta sur une échelle pour suivre le travail de M. Carini. Elle remarqua les longues mains expertes du sculpteur qui désagrégeaient avec des soins attendrissants une très petite fleurette aux contours encore indécis, puis, brusquement, la fleurette sembla s’épanouir sous ses doigts, et on put reconnaître une marguerite.

— Ah ! c’est heureux, les artistes !… dit-elle, presque les larmes aux yeux.

— Votre mari l’est davantage ! riposta Carini plus bas.

— Je ne comprends pas !…

— D’avoir une petite poupée comme vous à déshabiller.

— Monsieur !…

Et Louise, déconcertée, car jamais son mari ne la déshabillait, redégringola de l’échelle.

— Il faudrait voir les créneaux ! fit-elle en s’adressant à Louis, un peu confuse. Mais au moment où elle sautait par terre, elle eut un geste ébloui.

— Oh ! avoua-t-elle, subjuguée, le joli garçon !…

Louis, indigné, faillit la secouer d’une furieuse manière. Est-ce qu’elle allait faire des