Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/51

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colla ses lèvres à la paume, comme s’il eût désiré boire un peu de son sang dans ce creux.

— Monsieur ! s’écria Louise en se levant effarée.

— Continuez, ma chère enfant, dit-il sans broncher, c’est fort intéressant, l’histoire de votre ménage.

— Mais, monsieur, je ne veux pas que vous me baisiez les mains, moi !

— Tiens, je vous ai baisé les mains ?… oh ! c’est stupéfiant ; je ne m’en suis pas aperçu.

Il lui versa un verre de vin rosé et entama une poire.

— Quel morceau désirez-vous ?

— Je n’ai plus faim.

— Moi, j’ai chassé, je mangerais bien jusqu’aux miettes de ce pain bis. — Et il récoltait une à une toutes les miettes qu’elle avait sur son assiette.

— Je ne veux pas que vous touchiez à ça, reprit-elle, anxieuse.

Il lui semblait que les yeux de Louis la suivaient désolés.

— Allons dans le jardin, chère madame ; vous me permettrez de fumer une cigarette et nous lirons un peu dans le livre des étoiles.

Ils sortirent, Louise étourdie par ce petit vin pétillant, Marcel s’étudiant au respect… de plus en plus.

— Donnez-moi le bras, je ne fumerai pas et vous aurez fait une bonne action, car cela me rend malade, le tabac.

— Mon mari ne fume jamais, lui.

— Il a toutes les qualités, ce monsieur ! Tenez, vous me portez sur les nerfs avec votre mari, ma chère, continua-t-il en enjambant les