Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/99

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sacrée cervelle qui rêvait des aventures… peut-être que…

— Assez, monsieur Tranet ! dit Caroline ne pouvant plus y tenir.

— Monsieur Tranet, objecta Louis, devant ma mère et ma femme, on ne risque jamais de telles phrases…

— Alors, jeune homme, on doit s’ennuyer ferme chez vous !

— Papa ! Louis… interjeta la pauvre Louise éplorée.

— Laisse-moi, petite… je plaisante, ils savent bien que j’honore leur maison comme la mienne. Et je casserais la figure à tous ceux qui se mêleraient d’y porter atteinte… je plaisante… Enfin, dites donc, tout de même… où est le nid à puces du failli ? Oh ! un simple matelas… une paillasse fera mon affaire… qu’on ne se serre pas trop les coudes… C’est déjà de la cérémonie, ce cassis, et puis une assiette de potage, un morceau de bœuf, du lard, des choux, ce qu’il y aura, quoi, pour mon dîner. Notre bobonne est active ; je la stylerai… je serai son marmiton…

— Père, s’écria Louise hors d’elle, je suis malade, je m’en vais…

Elle se sauva dans l’escalier, prise à la fois par l’écœurement, la pitié et la honte. Que ferait-on de ce fou qui s’imposait sans trop s’en douter et qui n’avait plus le sou pour sortir de leur maison Bartau, (douves en chêne), avec la dignité convenable ? Elle l’entendit ; sur le seuil, répétant d’une voix un peu grosse, mais au fond trempée de larmes.

— Son marmiton… ce sera rien drôle ! je