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nono

— Oh ! c’est l’odeur de verveine ! Cela me donne des vertiges… maintenant que je suis là, je sens la verveine, aussi ! C’est fini !… Quel malheur !… Je suis fou ! »

Il eut un véritable spasme de colère et mordit le coussin sur lequel elle était assise, près de sa hanche de statue noire.

Alors Renée se courba, frémissante ; elle entoura sa tête chaude, l’attira sur son sein :

— Nono ! dit-elle d’un accent enivré, très bas, tu m’aimes ! Voilà ce qui te rend fou. »

Puis, elle couvrit de baisers violents ses pauvres cheveux coupés, doux comme un velours.

Nono se raidit :

— Ce n’est pas vrai ! râla-t-il… Ce n’est pas vrai ! Je n’aime personne… laissez-moi donc ! Ah ! mais c’est lâche, ce que vous me faites !…

— C’est très lâche, j’en conviens… oui, Nono… je l’avoue ! »

Elle continuait, buvant la jeunesse splendide qui débordait de cet homme vierge, ne pouvant plus résister à sa passion, une passion terrible, ardente, fauve, qu’elle ne s’expliquait pas mieux que lui ne savait l’amour.

Nono resta comme mort sur le satin de son corsage. Il avait les dents serrées, le regard éteint. Dans son cerveau, broyé par les caresses, il lui restait l’idée confuse de Lilie… mais très confuse. Il se souvenait du rêve, à présent. Quand ce chien avait hurlé dans le lointain, elle avait bondi avec un cri de désespoir,