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pendant un rocher n’est pas aussi mou qu’un carré d’infanterie.

— Aussi mou ? aussi mou ? C’est toi qui es mou ! On voit bien que tu ne sais pas te battre ! Sache, une fois pour toutes, que la chaleur de l’action est telle sur le champ de bataille, que les hommes deviennent durs comme des pierres. »

Bruno pensa naïvement que si la chaleur de l’action pouvait rendre la chair humaine dure comme pierre, cette même chaleur ferait peut-être bien fondre le rocher contre lequel on se démenait, et il allait regagner son travail quand un nouveau juron le cloua sur place.

— Là ! Là ! faisait le général, gesticulant ; ils emploient des leviers à présent ! Sont-ils assez gâteux, ces méridionaux ! Dussé-je y rester quarante-huit heures, moi, je lèverais le roc par la seule force des bras. Bruno ! Bruno ! il faut y aller ! Si je ne m’en mêle pas ils demeureront tous empêtrés comme des crapauds devant un pain de munition.

Bruno, docile, emboîta le pas derrière le général, qui, en traversant les appartements se mit à pousser sur les portes de la même manière qu’il eût poussé sur les bataillons massés. Ils longèrent rapidement la pelouse, montèrent la pente douce conduisant aux premiers vallonnements de la montagne et s’arrêtèrent enfin sur le théâtre de la guerre.

C’était une espèce de terre-plein servant d’assise à de gros rochers noirâtres posés les uns sur les autres et reliés par d’immenses guirlandes de lierre. Au-