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nono

— Tu m’as pourtant promis d’être sage », fit-elle en le secouant avec des mains fiévreuses.

Il prit ses doigts pour les dévorer de baisers. À la lueur d’un éclair, elle le vit tout en pleurs. Alors, saisie de vertige, elle alluma toutes les bougies du lustre ancien ; elle voulait faire une grande lumière dans leurs deux âmes.

Nono demeura à genoux, émerveillé, se souvenant d’avoir lu pareille chose dans les Mille et une Nuits, se tâtant pour savoir s’il n’était pas le jouet d’une hallucination.

Renée avait détaché ses rideaux de velours, voilant les blafardes lueurs des éclairs. On entendait toujours des grondements, mais elle n’avait plus peur de la foudre.

— Est-ce que tu vas prendre racine à mes pieds ? » demanda-t-elle en riant à Bruno dont les traits exprimaient une profonde douleur.

Nono rampa jusqu’à elle.

— Je ne suis pas digne de rester debout, déclara-t-il, ivre de bonheur. »

Elle entraîna Nono sur un divan, et pressant le front du jeune homme sur sa poitrine bondissante :

— Tu déraisonnes, cher bien-aimé ! s’il est ici un être indigne de l’autre ce n’est sûrement pas toi… mais, voyons… as-tu été dîner ?

— Non, je n’ai pas faim. D’abord, c’est fort bête d’avoir de l’appétit, tu me l’as dit un jour à table.

Elle haussa les épaules. Avec la lumière, sa tran-