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davantage, lui innocent, pour éviter de la compromettre un peu, elle coupable.

— Alors, je reste ! »

L’énergique accent de Bruno ne laissait aucun doute. Il resterait ou il reviendrait chaque soir. Les enfants ont de ces entêtements rageurs. Elle se calma. Nono promena un regard ravi autour de la chambre, puis il fit des réflexions :

— Oh ! comme ton lit est grand… Et ce petit nègre, là-bas, au fond ! Oh ! l’horreur ! Et tout près de toi ! Pouah ! est-il laid ! Ah ! ta maman. Elle est bien belle ! Son fichu ressemble à de la crème ! Tiens, ces armes ! fichtre ! tous ces poignards ! Et ce lion ! Pourquoi pas Mélibar tout de suite. Tu sais, j’ai deviné pourquoi je détestais tant ton cheval… C’est qu’il te porte ! Mon dieu ! je voudrais toucher tous les meubles pour en conserver le parfum. Cela sent si bon !… Oh ! ces rideaux ! Et ces femmes… toutes déshabillées !… »

Brusquement, il se retourna avec une rougeur fugitive.

— Tu n’as donc jamais vu de femme nue ? » demanda Renée, ne pouvant croire à une pareille candeur.

Nono se blottit dans la traîne de la jupe rose. Il devint plus rose encore et baissa la frange de ses paupières.

— Oh ! tu dis des choses, Renée !… non, bien sûr… tu me fais honte ! »

Renée, suffoquée, s’imagina qu’il voulait peut-être la rassurer à sa manière.