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nono

pour qu’on ne distinguât pas le coup de feu, et il tira, la regardant toujours afin d’en avoir plein les yeux jusqu’à l’agonie. Elle n’eut que le temps de faire dévier le canon, ils furent tous les deux enveloppés de fumée pendant que la balle allait fracasser la tête du petit dieu de marbre veillant derrière le lit.

Elle avait bondi comme une véritable tigresse, les pupilles dilatées, les narines gonflées, le sang aux joues, puis elle l’emporta presque sur le divan.

— Mon enfant ! mon enfant ! mon pauvre fou !

— Oui, laisse-moi, ou dis-moi qui est l’autre, alors… il mourra le premier ! »

Nono s’abattit sur les coussins en proie à une réaction nerveuse qui le faisait frissonner des pieds aux cheveux.

— L’autre !… »

Elle eut la pensée de crier : Il est mort ! mais elle avait eu trop peur, elle ne voulait pas être haïe après une pareille preuve d’amour.

— Je n’ai aimé que toi, je te le jure !

— Sur quoi le jures-tu, bégaya-t-il.

— Sur Nono sauvé ! ajouta-t-elle avec un sourire d’ivresse triomphante.

— C’est bien ! si je meurs, je saurai pourquoi ! »

Et sans pouvoir s’expliquer davantage, il perdit connaissance.

Renée alla chercher des sels dans son cabinet de toilette, mais ses baisers le ranimèrent beaucoup plus rapidement. Il huma la poudre et fixant un regard étonné sur le cabinet resté ouvert, il s’écria :