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nono

— Ouf ! fit-il ! je le tiens ! J’avais soif de le voir ailleurs… viens m’aider… je dois continuer de le casser… C’est un monde, ton lit… On s’y perd.

— Espérons cependant que tu ne t’y perdras pas. »

Elle vint le débarrasser en écartant des liserons qui l’aveuglaient. Elle était tout près de son visage ; il pouvait l’examiner en détail.

— Ah ! comme tu es belle, ma Renée ! Maman avait bien raison de dire que rien n’est plus beau que toi ! »

Il ne l’avait jamais mieux contemplée qu’à cette heure. Renée le renversa sur l’oreiller en mettant ses lèvres sur les siennes.

Là-bas au fond des pelouses un homme gisait, broyé, qui lui avait dit, un soir : « Quelles sont les infamies qu’on peut jurer de ne pas faire ? »

Ce souvenir lui revint sinistre quand Nono, frémissant de plaisir, chercha ses lèvres, à son tour, en balbutiant très bas :

— Encore ! »

Et elle eut la force prodigieuse de reculer.

— Nono, dit-elle en se fâchant pour dissimuler son trouble, relève-toi ! C’est lâche ce que tu demandes ! »

Nono sauta par terre. Il sentit probablement sa lâcheté car il devint pensif. Il essaya de rajuster le masque fendu de l’amour, évitant de se rapprocher d’elle.

— Enfin, ajouta-t-il après un long silence, de quoi as-tu peur la nuit ?