Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
137
nono

il retira ses gants dont le parfum très discret annonçait un homme de bonne compagnie. Un éclair de chair blanche l’éblouit. Il y avait un corset de satin d’une nuance adorablement pâle bordé d’un flocon de dentelle, le haut d’une chemise d’un tissu qu’on eût fait aisément passer dans une bague de fiançailles, de ces bagues étroites, qu’on donne à la fillette le jour de ses quinze ans. L’épaule était ronde mais petite, et les mèches ruisselant du peigne la baignaient d’un ton d’ambre.

Renée n’ouvrit pourtant pas les yeux.

Il alla tremper son mouchoir dans l’eau et mouilla la bouche de la jolie malade.

— Mais elle est donc morte ? » se demanda-t-il, effrayé de nouveau.

Il employa les derniers moyens, fit sauter les agrafes du corset, et mit tout le buste à découvert. Il eut un geste de surprise : au-dessus du sein droit se trouvait une tache bizarre en forme de cœur, et ce cœur pygmée avait la noirceur du jais…, un signe, mais un signe qui faisait peur.

L’homme se sentit mal à l’aise devant ce buste nu d’où semblait le regarder fixement la tache noire.

Renée respira un peu ; elle toucha avec effort sa tempe de son index. Abîmé dans une contemplation rêveuse, l’homme ne s’en aperçut pas.

— Voilà un grain de beauté qui va peser terriblement sur le plateau de mon existence ! dit-il, car il était philosophe et prévoyait ses bonnes fortunes. Si cette créature a le vrai cœur aussi noir que sa minia-