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d’été. Elle avait attendu Nono toute la nuit ; Nono boudait, et, nerveuse, elle en voulait à ce duc qui s’emparait malgré elle d’une large moitié de sa vie. Dès le seuil, elle fut entourée d’une pénétrante odeur de lilas blanc. À la fin du mois d’août il n’y avait pas de lilas blanc dans le jardin ; elle approcha : un bouquet immense, d’une blancheur éblouissante et d’une facture idéale tenait toute la largeur de la vasque. Une enveloppe de dentelle de Gênes enserrait les fleurs négligemment, comme une simple découpure de papier.

— Mais il est amoureux ! » dit Renée à mi-voix.

Elle resta pensive, les mains perdues dans les fleurs parfumées. Largess ne parut pas. Le fait se passait aisément de commentaires. Renée se redressa, les yeux sombres, le front plissé.

— Mon père député, moi duchesse…, et soudain elle eut un mouvement d’une fierté sinistre.

— L’ambition guérit des remords. Soit ! montons si haut que la justice reculera le jour où il lui faudra sévir. »

Au même instant, Bruno Maldas poussa la porte vitrée, puis il la referma avec un soin timide.

— Je suis là… mademoiselle Renée », bégaya-t-il, les lèvres tremblantes.

Il était là, toujours inévitable, toujours honnête, toujours transi, toujours enfant.

— Que me veux-tu ? demanda Renée en s’asseyant sur le divan, et en renouant son peignoir de mousseline.