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nono

où il ne peut pas me pourfendre est sa demeure, je reste.

— Vous avez donc peur, monsieur le duc ? dit Bruno qui avait pâli de rage.

— J’ai peur des collégiens, surtout quand ils ne savent qu’écrire, parce qu’ils ne se doutent de rien et qu’ils disent d’énormes bêtises.

— Monsieur le duc, vous m’insultez ! cria Nono faisant deux pas avec résolution.

— Ah ! çà, murmura le duc, je vis donc dans une succursale de Charenton, ici ? »

Puis, il siffla d’une façon particulière. Aussitôt, Largess se coula le long de la roche et arriva en trottant.

— Largess, ma bonbonnière ! »

Le groom remonta la roche. En moins de cinq minutes, il rapportait une mignonne cassette de vermeil fleurdelisée pleine de pastilles de menthe, bonbons favoris de M. de Pluncey qui ne voyageait jamais sans eux.

— Quand les enfants ne sont pas sages, fit-il d’un ton très calme, on leur donne un peu de sucre…, je ne connais que ce moyen… ou le fouet ! »

Et il tendit la cassette à Bruno. Celui-ci était livide. Il allait émietter la bonbonnière entre ses doigts quand Renée parut au détour de la roche.

— Monsieur Maldas, dit-elle, je vous défends d’ajouter un mot. »

Bruno recula, chancelant, l’orbite injectée de sang. Le duc se découvrit, jeta son cigare et s’inclina avec un respect profond.