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M. de Pluncey examinait avec une attention scrupuleuse les émaux du guéridon oriental.

— Je vous quitte, mademoiselle, dit-il sans se retourner pour ne pas la troubler davantage, je suis désolé de vous avoir causé une pareille frayeur. Ma situation vis-à-vis de votre père deviendrait intolérable s’il me voyait ici. Je venais vous demander vos ordres… mais, à présent… je n’ai qu’à me retirer.

Renée se pencha vers lui dans une attitude suppliante.

— Ne partez pas encore, monsieur le duc, j’ai tant de chagrin que votre présence peut seule me consoler. Mon père va s’entêter à vous attendre, et, comme personne ne lui dira où vous êtes… nous aurons le temps de nous expliquer. »

Edmond de Pluncey laissa doucement glisser son pardessus et s’assit tout à l’extrémité du canapé. Renée déboucha un flacon de vin du Rhin et s’en versa dans une coupe. Elle but vite, en souriant malgré ses larmes.

— Écoutez, dit-elle, je suis une fantasque et une folle, mais mon éducation me défendra vis-à-vis de votre sévérité !

» Je n’ai jamais eu de mère auprès de moi, mon père me traite en garçon, comme il peut, sans s’occuper de mes délicatesses de femme, et moi, je vais dans la vie comme je veux sans lui rendre aucun compte. J’ai horreur des gens de province, je les fuis, je les éloigne et je ne m’humanise guère qu’à Paris où je