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nono

Il s’opéra une révolution dans tout le corps du jeune homme. Ce palefrenier savait tout, il savait que son maître aimait Renée et que lui, le pauvre, était jaloux de ce richard. Le duc venait la nuit… il l’avait presque deviné d’avance. Nouvelle honte à boire ! Renée le recevait, elle consentait à se cacher pour le recevoir, et le duc, ne voulant plus s’exposer aux colères du petit secrétaire, demandait où il demeurait, où était sa fenêtre !… C’était donc cela les gentilshommes ? Bruno, pourtant, se raidit contre la douleur qui l’envahissait.

— Il y a longtemps que ces beaux messieurs viennent ? demanda-t-il d’un ton frémissant.

— Six mois ! »

Bruno porta les mains à son front ; elle l’avait toujours trahi, toujours !…

— Sait-on leurs noms ?

— Cela vous semble louche… hein ? fit le cocher flegmatiquement, et il poursuivit avec le geste de gens heureux de déblatérer sur le compte des maîtres absents :

— Après tout, nous nous en moquons un peu. Le père Sancillot prétend que celui-là venait de Paris car il sentait le musc. Il avait bonnes manières, il lui a mis une pièce dans la main. Ensuite, on ne l’a plus revu.

— Le reconnaîtrait-il ?

— Sans doute ! Les paysans voient clair la nuit comme les chats. »

Nono serra ses larges poings.