Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
nono

Cependant elle avait aussi du cœur, et le fils qu’elle eut de lui, elle le fit reconnaître par un monsieur Podjon, qu’elle épousa une fois rétablie.

Puis, le duc avait enlevé une jeune fille ; une jeune fille à peine sortie du couvent et à peine entrée dans le monde. Il valsa avec elle deux fois. Le lendemain, il la revit dans une petite maison meublée. Elle était venue là, par hasard, entre deux courses, laissant sa gouvernante dans un magasin de confection. Ils échangèrent de solennels serments sur l’étroit divan d’une chambre numérotée. Elle était ravissante ; un peu pâle, mais les mains déjà soignées.

Seulement, le duc s’apercevant qu’elle ne s’étonnait pas assez de la pendule sous globe, des papiers fanés, des chaises boiteuses, en ressentit un écœurement inexplicable.

« Ce que je reproche aux ingénues, se plaisait-il souvent à répéter, c’est de ne pas savoir l’être avec art. » Et quand une pensionnaire l’attirait encore, il revoyait à l’instant la Terpsychore de cuivre doré, sautant, lyre en bas, sur la cheminée de carton pâte, car il avait remarqué, pour l’ingénue, ces insanités du goût.

Ils allèrent à Nice, en Allemagne, puis en Suède et toujours la Terpsychore suivait avec sa lyre, sa cheminée de carton… c’était intolérable ! Leurs amours n’avaient pas le parfum suave d’un début jeune.

L’enfant devint mère et rentra au couvent. Le duc n’eut pas de remords parce que le souvenir de Terpsychore persistait seul !…