Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/263

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
255
nono

M. le Principal se fâchait, ses collègues se moquaient de lui. Nono continuait ses leçons en famille, de sorte qu’il n’y avait guère que lui qui fût sage, parmi ses élèves !…

— Ce garçon manque de poigne ! » répétait le principal, ne se doutant pas qu’il hébergeait un homme soupçonné d’assassinat.

Un matin, à la fin d’octobre, Nono se leva rêveur :

— Elle doit être sa femme depuis hier, je le sens !… » À quoi le sentait-il ? Bruno n’eût pu se l’avouer. Le vague parfum du bouquet d’oranger avait-il traversé les vallons et les bois ?

Sa tête pesait, une douleur lancinante tenaillait sa poitrine. Il ne mangea rien et chaque fois, ce jour-là, que ses petits élèves éclatèrent de rire, ses grands yeux bruns s’emplirent de larmes. L’avant-veille, il avait écrit à sa mère, lui faisant l’aveu de son amour maudit, et il avait ajouté quarante francs, se réservant dix francs pour les sucres d’orges.

Oui, la matinée lui paraissait plus sombre, plus lourde, il ne pouvait se détacher de son idée fixe. Il suivait le cortège sur les jonchées d’herbes odorantes et les feux de joie éclataient, la nue grise s’éclairait de rose, la mariée était éblouissante dans sa robe blanche. Les gens des deux maisons formaient une haie respectueuse. L’humble chapelle de Gana était tendue de mousseline.

Que de bouquets ! Que de cierges !…

Le duc, voici le duc !…