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Après avoir déposé un peu de chocolat, du linge et un livre sur la table, à côté de la carte, Mme Maldas se retira plus effrayée que jamais.

Nono l’accompagna tête basse jusqu’au seuil.

— Du courage, maman, ne t’inquiète pas ! dit-il en l’embrassant : « mais quand ses yeux se heurtèrent au carton glacé la colère le saisit.

— Pourquoi ne l’ai-je pas brisé, ce duc, au lieu de briser du cristal… Pourquoi ne l’ai-je pas mis en miettes ? »

Il se rappelait les paroles de sa mère : il n’a pas dû la regarder comme une sainte vierge !

D’ailleurs, n’avait-il pas mille fois douté personnellement de sa parfaite pureté ? Elle en savait plus long que lui, elle, une femme. Un jour, dans la salle de bain, ne s’était-elle pas laissé caresser le cou, la gorge et s’il avait voulu baiser ses seins, sa mouche noire… tout son corps, enfin !… Mais non, elle ne se respectait pas, cette femme ! On venait la nuit chez elle, on l’épousait. Mon Dieu ! lui qui serait resté à ses genoux des heures entières, ne demandant que le bout de ses doigts à lécher !…

Une pudeur de fillette lui venait quand il songeait qu’à sa place, M. de Pluncey aurait été peut-être bien plus loin, en admettant qu’elle ne se soit point donnée à lui comme ce matin-là !… Son sang brûlait, ses tempes battaient et il déchira la carte pour s’apaiser l’âme. Dans l’épaisseur du carton, il y avait un fil de soie rouge !… Il tressaillit en tirant le fil. Un papier avait été collé derrière la carte,