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lencieux, il ne l’avait pas revue sans témoin depuis l’aveu terrible.

— Je ne suis pas un bourreau ! scanda M. de Pluncey essayant d’être glacial.

— Vous pouvez être un libérateur », répliqua-t-elle en se cachant la tête dans les plis de sa robe.

La lueur de la veilleuse, que Largess avait allumée au plafond en voyant venir la jeune femme, éclairait ses merveilleux cheveux d’or fluide, leur donnant l’apparence d’un nimbe. Un côté du visage se nuançait d’azur aux reflets de la robe et l’autre était d’une blancheur de cire.

— Il doit y avoir des anges qui ressemblent à des meurtriers, se dit le duc en frissonnant, et il ajouta, toujours mentalement : Elle pouvait me tromper, c’eût été un second crime !… »

Elle avait eu l’horreur du rôle commencé, quand il l’avait prise, parce qu’il l’avait froissée dans l’orgueil de son amour ; mais qui sait si elle n’eût pas failli pour sauver Bruno à l’heure même… Tous les crimes se donnent la main…

— Alors, fit-il à voix haute, j’ai à choisir entre l’honneur de mon nom et celui de Bruno, le rival que vous daignez m’accorder ? (Il eut un rire sec.) J’ai choisi, madame, je ne suis plus l’insensé que vous avez connu se traînant à vos pieds, léchant vos mains, vous mendiant. Le temps est passé. Je ne vous hais pas. Seulement je me suis fait votre geôlier, le père des geôliers ! celui qui vous crie : Tu es libre…