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du village à Tourtoiranne. En rentrant, par malheur, Bruno s’était trouvé dans le bureau.

— Que fais-tu, toi, au milieu de ces paperasses ? »

Ces paperasses étaient le prochain volume de notes sur la guerre que le général voulait faire éditer. Bruno copiait, faisant son métier sagement, doucement, écrivant d’une belle écriture moulée, quoique toute petite.

— Mon général, j’en suis à votre dernière bataille.

— Sais-tu ce que cet animal de maire m’a répondu ? continua le général arpentant son cabinet dont les tentures vertes étaient encore moins vertes que lui.

— Non. Qu’a-t-il répondu, mon Dieu ?

— Que j’étais son ad-mi-nis-tré !!!

Bruno, abasourdi, laissa choir sa plume.

— Son ad… »

Et il resta bouche béante.

— Oui ! alors je me propose… tu comprends, Bruno !… je me propose de lui laver la tête au prochain conseil municipal. Je m’approcherai ainsi (Il s’approcha de Bruno). Je lui dirai : Monsieur ! en le regardant fixement. (Il regarda Bruno très fixement). Monsieur vous êtes un drôle, un polisson… j’ai été blessé en 1870… vous pouviez me laisser détourner votre filet d’eau sans conteste… vous ne l’avez pas voulu… Eh bien ! je vais fermer l’écluse de mon moulin, et vous tirerez tous la langue, si je veux ! »

Voulant sans doute juger de l’effet que feraient les vrais administrés du maire en tirant tous la langue, il secouait Bruno à l’étrangler.