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Et, enchanté de jouer ce tour à la justice qui ne tient pas à prévenir son monde avant l’heure fixée, il esquissa un geste très significatif.

Nono retomba lourdement sur son lit. Au secret ! il était au secret ! Il resta inerte, les bras allongés, les yeux hagards, se demandant si son rêve n’était pas changé en un horrible cauchemar. Ce bruit de voiture, l’accent brutal de son gardien, ce cri perçant, ce voleur qui riait…

— Oh ! balbutia Nono, claquant des dents, on ne veut donc plus que je sorte !… »

Enfin, sa porte grinça ; il vit entrer le juge d’instruction, Jarbet, deux gendarmes.

Ahuri, il se releva.

— Que voulez-vous ? est-ce vous qui avez fait crier ma mère ? demanda-t-il avec un frisson d’angoisse.

— Suivez-nous ! » dit sévèrement le juge, et les gendarmes s’approchèrent avec les menottes. La salle où allait avoir lieu la première confrontation était un caveau voûté, glacial d’aspect, ayant d’immenses toiles d’araignées dans ses coins sombres. Quand Bruno entra, il fut obligé de s’appuyer contre le chambranle de la porte. Une atroce odeur de chlore se répandait mêlée aux ferments vagues de la moisissure humaine s’étalant sur les dalles de pierre. Barthelme était revêtu de tous ses lambeaux recousus, désinfectés et lui collant le long des os comme un vêtement de noyé.

Le médecin avait reconstitué la tête ; les cheveux retordus sur le front laissaient suinter de l’acide