Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
nono

ne bougeait. En haut, près du toit, il y avait bien une clarté ; le secrétaire veillait. Mais elle haussa l’épaule, celui-là ne comptait guère.

Alors elle gagna hardiment la pelouse.

Cette femme, c’était Renée Fayor.

Il faisait une nuit merveilleuse, pas de lune, mais des étoiles resplendissantes, pressées, innombrables, semblant s’enfiler les unes dans les autres, comme des parures de perles. Tourtoiranne détachait, sur ce ciel, les lignes de ses murs assombris, pareils aux arêtes d’un bloc d’ébène. La brise, toute pure, sans bouquet d’arbres pour la retenir, jouait autour de lui et causait à voix très basse avec les vieilles tourelles dont les flèches pointues se dressaient d’une façon martiale sentant leur bonne généalogie. À l’horizon, le long des montagnes tombant sur la plaine, brillait vaguement cette sorte d’auréole lumineuse qui nimbe les nuits méridionales comme si le soleil, amoureux de ces régions fleuries, les quittait à regret, et leur laissait, errant parmi les lointains étoilés un dernier rayon de son couchant.

Le château était posé sur une pente. Devant lui, tout au bas, il y avait le village de Gana-les-Écluses, et la rivière du Gana, sinueuse, argentée, avec des reflets paisibles où l’œil trouvait des caresses. Un chemin montait au perron d’honneur, puis, contournait les pelouses, derrière le château, jusqu’au rocher du fond, pour aller se perdre dans les bois de la colline. Les pelouses étaient fermées des deux côtés par un petit mur surmonté d’une grille à fers de lance.