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pour secrétaire, il avait bien eu déjà un voleur, selon les racontars de ses valets. Cet assassin avait probablement jeté un impudent regard sur sa fille ; la fière fille de Fayor, encore une chose inévitable et que le bon peuple admet volontiers avec un assaisonnement de propos égrillards. Les uns se représentaient Bruno comme un rustre sournois rempli de passions sauvages malgré son instruction. Les autres, comme un vicieux sadique tuant pour le simple plaisir de tuer, mais ayant l’esprit de cacher ses victimes et ses vices.

Le duc, très écouté à cause de son nom, avait prétendu un soir au Cercle de la philologie que ce jeune monstre lui semblait intéressant. Il avait mis le système de Gall, qui répond à tout sans rien éclaircir, sur le tapis des hobereaux du département, de sorte qu’on discutait encore en ayant complètement perdu de vue la tête de l’accusé, à force de faire des comparaisons sur celles des autres accusés.

Dans le grand monde de Montpellier, on savait vaguement que la duchesse avait eu un accès de fièvre chaude lors de la sinistre trouvaille et qu’elle n’était pas encore rétablie. On racontait une histoire sentimentale sur l’infortuné Barthelme et deux ou trois vieux gentilshommes, de ceux qui savent que tout arrive dans la noblesse, attendaient les débats du procès avec inquiétude.

À part cela, Montpellier s’animait contre Bruno.

On y regrettait surtout que cette affaire arrivât en même temps que la nouvelle opérette au théâtre