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M. de Pluncey lui posa la main sur l’épaule.

— La vérité tout entière ! Bruno Maldas, Mme de Pluncey doit être venue ici ?

Et Bruno répondit en le regardant fièrement :

— Sur mon innocence, monsieur, je vous jure que je n’ai pas vu Renée Fayor ! »

Le duc eut une lueur de joie fébrile à travers son visage de marbre.

Les deux hommes restèrent quelques instants l’un devant l’autre sans dire un mot. Ils frémissaient tous les deux, mais leurs yeux ne se baissaient pas. Enfin Edmond rompit le premier ce terrible silence.

— Je vous crois, Bruno, dit-il d’une voix plus calme. À mon tour, je vous avouerai la vérité. La duchesse de Pluncey (il appuya sur ce titre) est partie ce matin de chez elle sans réveiller ni moi ni mes gens. Elle est très souffrante depuis longtemps. Le médecin craint une complète aliénation mentale. Je la faisais garder toutes les nuits, seulement on ne peut pas prévoir la durée d’une fidélité quelconque, et le gardien a dû ou s’endormir, ou accepter de l’argent. Renée s’est enfuie dès l’aube. Dans quel but ? je l’ignore ; mais il faut que je la retrouve. »

Bruno eut un geste fou.

— Elle va venir, moi aussi j’en suis sûr ! » cria-t-il éperdu.

Edmond se mordit les lèvres jusqu’au sang.

— Nous la recevrons, dit-il avec une froideur de plus en plus calme. »

Bruno se laissa tomber sur son petit lit de fer.