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que lui, vous… ne niez pas, Renée…, vous avez voulu l’oublier. Je ne suis pas un fils de famille, moi. Je vis au jour le jour, selon les rites des viveurs parisiens, demandant au jeu, aux courses, aux intrigues, mes moyens d’existence. Vous m’avez accusé d’avoir eu des relations louches avec des femmes de la société…, c’est avouer que la société est louche…, voilà tout, et qu’elle n’a pas prévu que chacun ne naît pas avec cent mille livres de rentes. D’ailleurs, cela n’est pas vrai, vous pouvez faire des recherches ! J’ai eu la croyance fervente que ma fiancée était déjà un peu… ma femme. Je lui ai fait jadis un emprunt que je ne puis pas encore rembourser. Vous m’accusez de manquer de noblesse dans mes actes, d’être avili et avilissant, vulgaire dans les détails, d’aimer le bruit, les filles de théâtre, que sais-je ? Vous m’accusez bien parfois d’être un homme. Mais, j’arrive à la raison véritable de votre haine. Un soir, c’était peut-être une nuit de mai, pareille à celle-ci, vous êtes venue dans mon humble appartement…, vous étiez tout enveloppée d’un châle, et vous n’êtes repartie qu’au matin. Il est certain que j’ai été ravi… Seulement, à partir de votre visite discrète, sans savoir pourquoi, vous êtes redevenue de marbre, et il y a deux ans de cela… Aujourd’hui, si je vous demandais le chemin de votre chambre par cette toute semblable nuit de mai, que me répondriez-vous ? »

Victorien s’était croisé les bras, Renée effeuillait une amarante, sans paraître le voir ; puis, elle demanda d’un ton fatigué :