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Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/45

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nono

— Vous parlez d’affections complètement spirituelles. Moi, j’ai connu une poitrinaire qui me jurait de m’aimer purement. Elle est morte en couches à dix-huit ans.

— Après ?

— J’ai connu un petit homme qui faisait des vers pour une actrice, et l’aimait platoniquement, je ne sais quel journaliste a découvert qu’il était petit, mais pas homme… du tout.

— Après ?

— Ah ! diable, vous m’en demandez trop ! »

Alors Renée appuya tout à coup ses mains jointes sur l’épaule de Barthelme.

— Vous avez connu, — dit-elle avec une voix au timbre doux et chaud qu’elle n’avait pas ordinairement, une vraie voix de sirène, — vous avez connu Renée Fayor, enfant et femme à la fois, garçon intrépide et folle gamine, tantôt attirée par un danger, tantôt intimidée par un baiser, une créature aimante, passionnée, vertueuse, orgueilleuse, délicate, au cœur souple, au caractère droit. Vous l’avez prise au moment où elle désirait reposer sa tête ardente sur la poitrine loyale d’un mari. Lorsque notre imagination s’ouvre, poussée par les premiers instincts de l’amour, nous ne rêvons pas toujours le mal, nous, les jeunes filles, et il faut, pour qu’il vienne à notre inspiration qu’on nous l’inspire… Croyez-moi, Monsieur Victorien Barthelme, pour que nous soyons perdues, il faut d’abord qu’on nous perde ! Ensuite, l’homme, qui aime sincèrement, ne commence pas, j’imagine,