Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/102

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état de corps. Sommairement vêtue d’une tunique d’écailles, très décolletée, elle exhibe des seins en poche et des yeux pochés avec le plus souverain mépris pour ses personnelles disgrâces. Ni fard, ni poudre, une peau de requin, mais sur sa tignasse en crinière de vieille lionne, son fameux diadème auquel s’intéressent tous les joailliers parisiens. Il se compose d’un saphir énorme, pareil à un œil de poisson féroce, de rubis volumineux, de topazes carrées, de brillants et de perles sertis dans un or ancien qui vous a tout l’aspect d’un cuivre sale. Il paraît que c’est là une fortune de rajah et elle porte ça en serre-chignon, un tantinet en arrière comme une reine d’opéra-bouffe. De temps en temps, elle lui donne une tape amicale pour le ramener aux sentiments des convenances.

Nous défilons devant elle, baise-main obligatoire, et elle nous toise, dédaigneuse ou de mauvaise humeur, tel un piqueur qui compterait ses chiens.

On prétend qu’elle fut aimée passionnément par des gens qui en sont morts. Elle n’a pas trop l’air de s’en souvenir. Elle amène souvent un gigolo quelconque, levé n’importe où, qu’elle présente comme un secrétaire d’ambassade, sans aucun souci de la vraisemblance. Quelquefois elle est obligée, pour le présenter, de lui louer un habit qui