Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

raisonner. Pourquoi ai-je le diadème de Mme Servandini en bracelet dans le haut du bras ? Je secoue et je fais tomber le fabuleux bijou. Voilà l’œil de poisson féroce, l’énorme saphir unique au monde. On dirait une taie bleuâtre sur une prunelle malade. Et les rubis, en gouttes de sang, m’aveuglent, les topazes me brûlent, les brillants me piquent de leurs pointes cuisantes. C’est une couronne insolente, lourde comme un boulet. En désespoir de cause je le glisse sous mon oreiller. Il vaut mieux, tout de même, qu’on ne voie pas ça chez moi. Je me retourne afin de me rendormir lorsque j’entends, à travers les flocons d’ouate, la voix sourdement respectueuse de Nestor.

— Monsieur sait-il qu’il est midi ? Je suis bien obligé de prévenir Monsieur que son modèle attend.

— Un modèle, ce matin, quel modèle ? Je n’ai demandé personne pour ce matin, moi ?

— C’est une petite dame bien gentille qui s’imagine que vous êtes malade et qu’on veut le lui cacher.

— Zut ! Laissez-moi dormir. Je n’ai pas faim. Très soif, seulement. Donnez-moi un verre d’eau glacée.

Après le verre d’eau, Nestor s’en va.

Ma chambre, très grande, tendue de da-