Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/127

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vous êtes pâle ? Qu’est-ce que vous avez, monsieur Montarès ?

— Je n’ai rien, Bouchette. On se lève tard quand on a passé la nuit… dans le monde. Si vous m’aviez prévenu de votre visite, au moins la veille ! Nous allons faire du bel ouvrage, dessiner une jolie Bouchette, une vraie, celle-là. D’abord, à table. Sirloup, tiens-toi tranquille entre nous deux. Nous avons faim.

La table étincelle de tous les joujoux de la maison et une délicieuse odeur de chocolat vanillé monte des sous-sols.

Bouchette, consolée, se tamponne les yeux avec sa houppe à poudre de riz et s’en fourre dans le nez, en reniflant fort.

Elle a quitté son manteau, et son tailleur court lui va mieux que jamais. Elle a, sous la lumière crue, un cou jeune et tendre avec un léger pli sous l’oreille. Cela sort de sa blouse de soie bleue comme le renflement d’un cornet d’arum.

— Voyez-vous, monsieur Montarès, dit-elle de sa voix douce, je n’aurais jamais dû me mêler de vous. À présent, je ne peux plus me passer de votre conversation. C’est comme quand on chantait dans la cour de mon atelier, je n’entendais toujours pas très bien ce qu’on disait, mais je me grisais de la voix et ça me berçait encore que c’était déjà fini…